Rustin

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ISBN : 9782702208694 Catégories : ,
Date de parution : 2009
Nombre de pages : 576
relié pleine toile jaquette
Écrivain(s)
Artiste(s)

« Il est important QUE ce soit la peinture qui regarde.
J’essaie de communiquer à mes personnages un maximum de vie
et de présence. Je voudrai que chacune de mes peintures
renvoie sa propre image à celui qui regarde. » Jean RUSTIN
Né le 3 mars 1928, à Montigny-les-Metz, Rustin s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1947 et étudie dans l’atelier d’Untesteller.
Ses débuts figuratifs révèlent son goût pour l’aquarelle qui s’impose alors à lui comme moyen d’expression poétique.
Puis les années 1950-1960  voient Rustin subir l’influence de la peinture non figurative telle qu’elle se concevait alors à Paris.
En 1971, la rétrospective organisée sous l’égide de Pierre Gaudibert au Musée d’art moderne de la Ville de Paris marque profondément sa carrière. Jean Rustin revient à la figuration exclusivement centrée sur la figure humaine. Avec sa palette de gris immenses, sa maîtrise de l’espace formel et du temps nous offre ses visions obsessionnelles sans aucune forme de concession, ni avec l’art ni avec ses sujets. Il y a une véritable réécriture du corps dans le travailde ce peintre.
Une formulation de la matière corporelle jamais lisse, une réappropriation de la peau, des tissus, des muscles à travers un canevas précis, méticuleux.
Au-delà de toute contingence morale, religieuse, en totale liberté à l’égard de tout genre ou école picturale, Jean Rustin donne à voir des huis clos où des créatures humaines sans âge et sans identité.
L’être humain pour lui est un être terrorisé. Par lui-même, simplement par lui-même : par la vue de son visage, de son corps, de son sexe.
Il en est ainsi pour les figures sur la toile. Il faut qu’il en soit de même pour les regardeurs.

Pourquoi Lydie Salvayre veut-elle écrire sur Rustin?

« Parce que je ne veux plus entendre, au sujet de Rustin, le couplet habituel du désespoir livide et du dégoût mêlé. Parce que je ne veux plus entendre qu’il s’agit là de monstres ou d’aliénés rescapés de l’Enfer.

Rustin, simplement, peint des corps trempés dans la vie, des corps usés par elle, usés et plus qu’usés, des corps “qui en ont sué et chié” comme Artaud l’aurait dit, ni beaux ni laids, imparfaits, c’est-à-dire vivants, mais que rien encore n’a réussi à transformer en objets marchandise. Des corps éprouvés, vieillis, mais qui semblent nous dire : tant qu’il y a une once de vie, j’y suis j’y reste, et continue la farce ; et même si le monde va au chaos, même si l’Histoire est odieuse, même si toutes les illusions se sont, l’une après l’autre, évanouies, j’y suis, j’y reste. Et j’en jouis.
Parce que je ne veux plus entendre que la représentation sexuelle des hommes y est pathétique et répugnante celle des femmes.Rustin, simplement, renverse l’ordre des hiérarchies. Finies la domination phallique, l’érection perpétuelle, la verge dressée, brandie, triomphante. Finie la trique, finie la gaule, finie la queue raide qui fait d’un homme un homme. Finie la puissance virile que l’art, autrefois, glorifiait. Les hommes, chez Rustin, ne la ramènent pas. Devant cette chose infernale qu’est l’affaire des sexes, les hommes prennent acte d’un impouvoir qu’ils avaient, jusqu’ici, obstinément dénié. Impouvoir à soutenir le désir insatiable des femmes.

Impouvoir à saisir leur jouissance. Une jouissance qui est bien plus grande qu’eux et bien plus grande qu’elles-mêmes, une jouissance qui va bien au-delà du sexuel, une jouissance qui est comme un gouffre, comme l’Amazonie, qui fut et qui demeure l’énigme des énigmes.

 

Cette jouissance à laquelle elles s’adonnent, les femmes ne savent la nommer, mais à l’instar de Mme Edwarda, elles disent : Regarde ! Regarde mon sexe en face, regarde ce qui effare et doit rester caché, regarde ce qui n’est pas beau mais qui est plus beau que le beau, regarde ce que tu ne cesses de vouloir voir mais devant quoi sans cesse tu te détournes. Regarde droit devant mon corps troué de chienne.Car les figures rustiniennes, les masculines comme les féminines, s’exposent, au double sens de ce mot. Et de la sorte, elles nous enjoignent à partager le même risque, et nous font prendre la mesure de ce que regarder la peinture est, toujours, un acte d’engagement. Lydie Salvayre

Et voici la réponse d’Itzack Goldberg à cette même question:

« Ma volonté est de comprendre ces personnages isolés, enfermés
sur eux-mêmes, souvent dans un espace indéterminé (atelier?);
ces figures dans des attitudes qui illustrent l’inadéquation du corps à l’espace ; ces corps qui s’exhibent sans pudeur, sans inhibition, décevant ainsi d’emblée tout voyeurisme. De comprendre encore ces visages brossés, griffés, rayés, parfois à la limite de l’effacement. De comprendre enfin une œuvre provoquant alternativement fascination et révulsion, une œuvre qui refuse toute séduction ou pathos, bref une œuvre puissante. »