Pierre Bonnard

 

Dès les premières années de sa carrière, c'est-à-dire jusqu'au début de XXe siècle, Bonnard se consacra avec énergie et passion à son œuvre graphique – affiches de théâtre et de publicité industrielle, illustration de partitions de musique et d'ouvrages littéraires – précédant son aîné, Henri de Toulouse-Lautrec. Cette activité valut déjà au jeune artiste une certaine notoriété, et lui fournit les moyens financiers et l'indépendance nécessaires à la poursuite de ses recherches dans la voie qu'il avait choisie. Il était du reste très fier des succès qu'il avait remportés dès avant 1900, essentiellement comme dessinateur.

Certes, la longue mise sous séquestre de l'œuvre de Bonnard, lors de la succession et du partage qui suivit, ne facilita pas la diffusion et la connaissance de ses dessins.
Or, ces dessins sont les outils de travail permanents de l'artiste qui les abandonne çà et là, une fois l'idée captée, griffonnés au crayon noir sur des papiers parfois pris au hasard, ainsi au revers de feuilles d'impôts ou de compte, tel Paysage (1920) dessiné au dos d'un "accusé de réception de la Direction Générale des Contributions Directes" en date du 31 mars 1920.

Si l'on étudie attentivement les dessins de Bonnard en fonction de la localisation du sujet représenté, de l'orientation de celui-ci dans l'espace, et de la "course" du soleil, l'on est fasciné par la justesse des notations prises.

Cet artiste dont l'humour et l'humilité tiennent de la sagesse orientale, qui désirait secrètement peindre "pour le plaisir des plombiers", fut sans doute, avec Marcel Proust et Edouard Vuillard, celui qui a le mieux montré au XXe siècle combien le rêve éveillé, matérialisé en peinture a cette capacité de métamorphoser le monde.