J.M. Bonet
Ecrivain(s)
Artiste(s)
Résumé
Gerardo Rueda est né à Madrid en 1926.
Après avoir fait des études de droit, Gerardo Rueda dirige pendant un temps la tannerie familiale qui se trouvait dans la banlieue madrilène, à Caranbanchel.
Angel Minguez, peintre de sujets historiques tombé dans l'oubli, lui apprend les rudiments du métier qui le tente.
Dès les années 1943-1944, nous découvrons quelques essais de Rueda:il s'agit de copies à la gouache de toiles de Picasso et de Juan Gris, à partir de reproductions.
A la fin des années 1940, Rueda fera quelques tentatives abstraites, toujours en petits formats. Elles révèlent que le peintre privilègie encore l'acquisition du métier plutôt que la recherche d'une expressivité personnelle. Il apparaîtra ensuite rapidement que Rueda se situe dans une perpective post-cubiste.
Au début des années 50, Madrid voyait avec soulagement l'Etat franquiste - pour tenter de diminuer son isolement politique sur la scène internationale - entrebaîller les portes à l'avant-garde artistique (première biennale hispano-américaine d'art en 1951, inaugurée par le général Franco).
En 1954, Rueda présente trois toiles à la deuxième biennale hispano-américaine d'art qui a lieu à la Havane, et sa première exposition individuelle à la célèbre librairie de Madame Carmina Abril à Madrid. Il expose des "collages et dessins abstraits".
En 1957, a déjà lieu à la galerie parisienne La Roue la première exposition de l'artiste en France. Ses fréquents voyages à Paris le mettent alors en rapport avec l'actualité artistique du moment. Il va y découvrir les diverses expressions de cet "art autre", prôné par Michel Tapié et surtout l'abstraction lyrique qui va, pendant un temps, exercer une certaine influence sur ses toildes des années 1956-58 montrent en effet qu'il n'était pas indifférent au travail des peintres tels que Bissière, Poliakoff, Vieira da Silva et Nicolas de Staël. De ce dernier il retiendra l'usage, si ce n'est l'abus de la spatule.
A cette époque, Rueda intègre dans une vision abstraite des allusions de caractère figuratif inspirées de
paysages.
Il faut se souvenir aussi que se sont là les années où l'action painting connaît une grande diffusion: l'exposition itinérante, très riche, du Moma de New York, "Nouvelle peinture américaine", fait halte à Madrid en 1958.
La peinture de Rueda reste toutefois très éloignée de l'informel par sa précision, sa mesure et son équilibre.
Au début des années 60 les possibilités de l'abstraction lyrique sont vite délaissées au profit d'un autre cycle-celui des tableaux gris- qui représent un grand pas en avant, voire le véritable point de départ de l'oeuvre majeure de Rueda.
Peu à peu l'artiste réduit considérablement les allusions figuratives et aborde l'espace pur. Ses toiles sont d'une extrème simplicité, presque monochromes, pré-minimalistes en queque sorte.
Contrairement à Tapies, Millares ou Saura, Rueda n'a jamais été tenté par l'expressionnisme abstrait et ses sources n'ont pas été surréalistes.
Alors que les mots clés d'un Saura sont geste, action, violence, vitesse, convulsion, élan, bataille, masque, destruction, monstre, histoire, etc., ceux de Rueda seraient plutôt raison, quintessence, réflexion, ordre, mesure, équilibre, construction, calme, sérénité, silence.
Le cycle d'oeuvres suivant est à relier au spiritualisme, mouvement surgi en Europe dans les années 60 lorsque la crise de l'expressionnisme abstrait devint générale.
Les initiateurs en furent l'Italo-Argentin Lucio Fontana et Yves Klein qui séjourna à Madrid au milieu des années 50.
Cette période spatialiste est cruciale dans l'oeuvre de Rueda. Seuls deux éléments sont alors présents sur les toiles: la couleur et le relief. Relief que Rueda va privilègier dans les oeuvres qui suivront, allant même jusqu'à y intégrer sur des fonds blancs des blocs de bois peints uniformément.
C'est ici qu'apparaissent le "vert Rueda", "l'ocre Rueda", le "saumon Rueda", et le "bleu Rueda".
L'artiste ne quittera plus cette ligne. Même s'il semble qu'il commence à laisser au cours des années 80, et cherche alors de nouvelles voies, il restera fidèle à son propos:"Je veux faire une peinture aussi rigoureuse aue sensible."