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Résumé
Deux ans avant Warhol, Erró a contribué à faire de Mao une figure du pop art. Pour la première fois, un beau livre retrace 40 ans de tableaux chinois de l’artiste.
Né en 1932, Erró est le contemporain de l’accélération mondiale de la circulation des images, et, en parallèle, de leur dépréciation, de leur dégradation. Le moindre des mérites de sa peinture est en outre de demeurer immédiatement reconnaissable entre toutes après qu’il a usé de tous les subterfuges pour forcer les images à se combiner entre elles. C’est ainsi qu’il a lancé des combattants Viêt-Cong à l’assaut des espaces domestiques de l’« American Way of Life » où ils pénètrent indubitablement par effraction, conquérants certes, mais demeurant des intrus, aperçus à travers une fenêtre, souvent, voire traversant promptement le living-room, sans s’y attarder.
C’est également après avoir observé que Mao fut peut-être le premier homme d’Etat de l’ère médiatique à avoir su substituer à la présence réelle la dissémination de son image, le « culte de la personnalité » imposant ses avatars aux quatre coins d’un empire de dix millions de kilomètres carrés qu’il en fait le sujet de ses « Tableaux chinois » composés et peints entre 1967 et 1974.
Avec une lucidité poétique implacable il expose les vues touristiques de l’Occident, mais renvoyées systématiquement à l’arrière-plan, Mao et ses troupes trônant fièrement au-devant de la scène, posant même quelquefois en vainqueurs incontestables, débarquant triomphalement dans la baie de New York (In Front of New York), festoyant dans Oslo désert (Big Breakfast in Oslo) ou à Piccadilly, montant la garde devant Saint-Pierre de Rome (The Guardian of the Vatican) ou même envahissant ostensiblement le cadre devant un couple béat sirotant un brandy sur fond d’Empire State Building (The New York Office).
Les « Tableaux chinois » occupent une place capitale. Ils campent sur le « point d’ironie » de cette démarche unique dont c’est un mérite majeur, proposant une actualisation radicale de l’expression picturale contemporaine : élaborer une forme inédite de langage visuel non littéral « dans lequel ce qui est dit diffère de ce qui est signifié ».
Sous une jaquette Vinyle rouge, référence explicite au Petit Livre rouge de Mao, l’ouvrage rassemble près de 120 reproductions présentées chronologiquement de tableaux et collages issus des différentes séries de l’artiste sur le thème de la Chine et des Chinois. Le graphisme contemporain a été voulu délibérément épuré de manière à donner toute leur place aux mariages choisis et pertinents des oeuvres.
Stéphane Corréard apporte un éclairage historique à cette oeuvre atypique qu’il resitue également dans l’art de l’époque.