Bernard Vasseur
Ecrivain(s)
Résumé
C'est avant tout comme sculpteur que Jacques Zwobada (1900-1967) a laissé son nom dans l'histoire de l'art au XXe siècle. Mais toute sa vie, il s'est également livré à une autre passion, aussi dévorante et essentielle à ses yeux, le dessin. C'est à cette « face cachée », à ce visage moins connu – le Zwobada dessinateur – qu'est consacré ce livre.
Professeur de dessin durant toute sa carrière professionnelle, ce grand praticien fut aussi un éminent intellectuel qui a écrit sur son art des textes dont de larges citations viennent croiser les très belles reproductions de ses œuvres.
Ses premiers dessins sont marqués par le classicisme et la fidélité à la tradition des grands maîtres (nus, portraits, natures mortes, puis, bientôt, paysages). Mais, dans les années 1942-1949, l'amour profond qu'il éprouve pour Antonia Fiermonte – femme de son meilleur ami, le sculpteur René Letourneur, avant qu'il l'épouse en 1948 – va le conduire à une profonde transformation de son regard, de ses recherches, de son travail, de son style.
À travers un bon millier de lettres adressées presque chaque jour à la femme aimée, au carrefour du récit autobiographique et de la méditation esthétique, Jacques Zwobada raconte ses troubles, ses novations, les changements qu'il sent s'accomplir en lui, sa quête d'un langage plastique neuf. Cette correspondance, passionnée et passionnante, pour la première fois largement révélée et analysée, permet de comprendre son passage à « l'abstraction lyrique » et à tous ses dessins de grand format qui jaillissent de sa nuit pour constituer un bouquet magnifique et grandiose.
Le texte met également en perspective les mutations qui s'opèrent dans la société (« Les Trente Glorieuses » selon l'expression de Jean Fourastié) et avec le regard que portent sur elles Jacques Zwobada et l'ensemble de ses dessins : son choix résolu du noir et blanc alors même que la couleur s'affirme toujours davantage dans la vie sociale, son inquiétude devant le triomphe de l'industrie et la mécanisation du travail humain, la « société de consommation » et ses valeurs réductrices, l'urbanisation à marche forcée… Il conçoit ses dessins comme une forme de résistance à l'invasion des « images » (BD, publicité, presse et magazines, télévision) et à leurs effets, à ses yeux dévastateurs, sur la sensibilité de ses contemporains. Oui, proclame-t-il, « l'homme a le droit et le devoir de se défendre. »
Loin des regards et des modes de l'air du temps, dans la solitude de son atelier, Jacques Zwobada a construit dans la douleur d'un amour fou une œuvre visionnaire et bouillonnante.