L'œuvre croisé
François Barré
Ecrivain(s)
Artiste(s)
Résumé
Un + Un : de l'Unité à l'Unité
Tout commence par une rencontre, deux créateurs, deux trajets personnels qui se croisent.
Pas n'importe qui, pas n'importe où, pas n'importe quand. André Wogenscky est un jeune architecte d'origine polonaise dont la famille est installée en France depuis plusieurs générations.
Il est chef d'agence chez le Maître, Le Corbusier. Marta Pan est une jeune sculptrice d'origine hongroise arrivée en France durant son enfance. Ils se rencontrent à Paris.
L'un et l'autre ont déjà une œuvre en cours, des convictions, des affinités, une passion partagée pour une modernité à construire et à divulguer.
La première partie de l'ouvrage tentera de révéler ce que chacun apporte à l'autre et découvre en l'autre. Cette rencontre, cette alchimie, d'une artiste et d'un architecte est rare. On connaît des couples d'artistes, Arp et Sophie Taueber, Annette Messager et Christian Boltanski, les Delaunay, Larionov et Gontcharova ou des couples d'architectes, les Smithson, Miralles et Tagliabue, Gigon et Guyer, mais étrangement, on rencontre peu d'exemples de cet alliage-là, comme si la conquête de l'espace et le vieux rêve des architectes de l'œuvre d'art totale les rendaient infréquentables pour qui veut exprimer une totalité plus mystérieuse.
Leurs préférences en matière d'art et d'architecture, les œuvres aimées et référentielles, la musique, le théâtre, la littérature créent un terreau commun, fertilisent leur échange et nourrissent de futures expérimentations.Des voyages ; voyages d'avant la rencontre ayant apporté à chacun son lot d'images et d'imaginaire. Nouveaux voyages faits ensemble et qui eux aussi font trace et vont marquer pour une part les jalons d'une pensée et d'une création.
La maison comme matrice
Construire sa maison est une aventure rare, l'apanage d'un savoir-faire presque disparu, venu d'une tradition ancestrale paysanne et aujourd'hui encore maîtrisé par les architectes. Dali, qui n'est certes pas le référent de Marta et d'André, parlait de l'architecture comme de la minéralisation de nos désirs. Il y a dans la maison de Saint-Rémy-lès-Chevreuse, une projection de cet ordre, celui d'un destin commun, d'une éthique et d'une conscience de soi et de son rapport au monde ; un art d'habiter et d'occuper le temps et l'espace d'une vie. En son jardin (plus vaste aujourd'hui qu'il n'était au départ), la maison de Saint-Rémy est la maison, cet accord de soi à un espace, savant dedans/dehors, qui du toit terrasse où se reposer et des pentes du jardin habitées de sculptures, jusqu'à l'intérieur où vivre et travailler selon une répartition précise et cependant énigmatique des pièces, se crée une continuité qui n'est jamais de rupture.
Cette maison fut délibérée, longuement préparée ; chaque détail, la relation des espaces, le choix des matériaux, les couleurs, les mouvements des personnes, la centralité de la cuisine et de l'espace des repas…Tout y participe d'un équilibre et d'une connivence des esprits autant que d'une rigueur sans faille.
on traitera donc cette analyse de la genèse de la maison comme le témoignage le plus éclatant et l'expression la plus complète de la rencontre d'André et de Marta. Confortée par les photos d'Antoine Stéphani, cette partie de l'ouvrage en sera le cœur et la justification même.
D'une figure l'autre
Il y a dans le compagnonnage de deux créateurs, un principe de communicabilité, une façon de puiser à la ressource de l'autre qui n'appelle ni règle ni interdit, mais s'inscrit dans un mouvement plus secret de fréquentation, de silence et de compréhension.
Chacun est là sans s'absenter de l'autre. Cette façon de tisser une trame de singularités qui coexistent et fabriquent une communauté naît d'une économie quotidienne. Elle est décrite par Marta et André au travers de textes et de déclarations, d'analyses et de renvois de l'un à l'autre et des deux au reste du monde. Les analyses et réflexions éclairent le travail de chacun et l'œuvre croisé, pensé non comme un projet de repli ou de réduction aux limites d'un couple mais comme une extension de soi et une recherche de l'universel.
La maison de Saint-Rémy, inscrite à l'inventaire, est désormais le siège d'une Fondation André Wogenscky-Marta Pan.
http://www.samedirouge.net/photo/interpreter_la_partition%3Amaison_andre_wogenscky_Marta_Pan