Alain Jouffroy, Richard Leydier
Ecrivain(s)
Artiste(s)
Résumé
Ni abstraction, ni figuration, une peinture de la vie. L'œuvre de Messagier ne souffre plus de la volonté du peintre de ne pas choisir entre abstraction et figuration. Par cette détermination à assumer sa pleine autonomie esthétique, Jean Messagier rejoint Philip Guston ou Jean Hélion. On pense aussi à Willem De Kooning.
Depuis 1962 et jusqu'à sa mort en 1999, Jean Messagier résidait dans le nord de la Franche-Comté où coexistent villes industrielles (Belfort, Montbéliard, Sochaux), rivières poissonneuses (L'Allan, le Doubs, La Savoureuse), et montagnes boisées (Jura, Vosges du Sud). Il s'était installé à Colombier-Fontaine, un paisible village de la vallée du Doubs. Ceci explique, sans doute, que de sa peinture, ni abstraite ni figurative, dans laquelle la nature joue un rôle primordial, se dégage une impression de liberté et de force. Le milieu de l'art des années 1970 avait du mal à appréhender ce «paysagisme abstrait». « Paysagisme abstrait ? c'est une connerie! » leur aurait fait savoir le peintre, avec son franc-parler, tout comme « l'abstraction paysagiste » d'ailleurs.
On peut replacer Messagier dans l'histoire récente de la peinture abstraite en regardant objectivement et sans a priori son œuvre, en ayant à l'esprit les œuvres des contemporains du peintre comme Richter ou des plus jeunes, comme Bernard Frize, qui n'ont pas manqué de regarder ses tableaux des années 1980 et 1990. L'art de Messagier développe une abstraction subjective qui ne s'embarrasse pas d'un protocole conceptuel, se passe d'un accompagnement théorique et a su se délester de ce qui a altéré et corrompu la peinture abstraite : le bavardage. Avec les tableaux baroques et impurs de Messagier, nous sommes à l'opposé d'une vision obstinée de la peinture qui prônait la pureté et l'objectivité. Une vision qui a fait son temps.